Dernière rotation

Les informations de Gibbons, le détective de Scotland Yard happé avec les Trinités dans le Grand Jeu, confirment les visions d'Iften et les indices révélés par Enash : Grégoire Garnier, Hermès Trois-Mages, voyageur de l'Agora, pillard de Jardins, Trinité en devenir, le  responsable des terribles bouleversements qui ont secoué tout Lyon et son environnement karma-tellurique est à bord du Tesla, le navire du Cercle de Vienne.

C'est un retournement inattendu car le Cercle de Vienne s'était invité comme nouvel acteur de la guerre occulte entre la Lumière et les Ténèbres au plus fort de la traque de Garnier, dans les Jardins lyonnais. Cette faction techno-positiviste convoitait alors la source d'énergie que représentait la Flèche du Sagittaire fichée dans le cœur du dieu Lug et avait à cette fin mis sur pied une opération d'invasion des Jardins. Le Tesla, stationné au port Edouard Herriot, était supposé recueillir la Flèche pour l'exploiter ultérieurement.

Le Cercle est privé de la Flèche, désormais dissimulée au sommet de la tour de la Part-Dieu à la faveur du chaos karmique de la ville, et a abandonné une partie de ses équipes dans l'Agora. Garnier a quant à lui fui au milieu de la confusion, laissant depuis longtemps un goût d'inachevé aux Trinités. Aussi entre toutes les pistes, est-ce celle-ci qui fut choisie.

Parti de la Réunion pour Hobart en Tasmanie, il fait peu de doute que Garnier, s'il se rend en Antarctique, va droit vers la base scientifique française Dumont d'Urville. Hors des sentiers battus et bénéficiant d'autorisations mystérieuses, le Tesla semble pouvoir naviguer sans encombre vers cette destination rare. Peu d'options s'offrent aux Trinités. Pour accéder à la base antarctique Dumont d'Urville (DDU), il faut embarquer sur l'Astrolabe, un navire polaire ravitailleur de l'Institut Polaire Français Paul-Emile Victor (IPEV) qui effectue cinq rotations annuelles entre Hobart et DDU pendant l'été austral. La dernière rotation a lieu en mars, juste avant que l'hiver n'enserre le continent antarctique dans une impénétrable barrière de banquise.

Il faut plusieurs semaines à Philibert pour réunir appuis et documents permettant à l'équipe de justifier son voyage et à Mickaël Pertuis pour préparer le matériel adapté à cette expédition extrême.

Finalement, l'équipe décolle le vendredi 9 mars 2001 et atteint le port d'Hobart, en Tasmanie, le dimanche 11. Ils sont officiellement mandatés pour une mission universitaire, une étude psychologique sur les conséquences de l'isolement en conditions hostiles sur le microcosme social de la base. Ils embarquent le mardi 13, emportant avec eux quelques caisses de matériel qu'ils espèrent adapté à leur nouvel environnement.

L'Astrolabe, au port d'Hobart.
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Le voyage de 2700 km jusqu'à DDU dure une grosse semaine au cours de laquelle les Trinités sympathisent avec l'équipage et le personnel étrange et cosmopolite qui se perd avec eux dans les Terres Australes et Antarctiques Françaises. Biologistes, climatologues, géologues, mais surtout mécaniciens, informaticiens, cuisiniers, conducteurs. Travailler en Antarctique est avant tout affaire de survie et de logistique. Alors que l'océan accouche de ses premiers icebergs et que le pack, cette masse de banquise flottante et fragmentée, se rapproche, le sentiment de solitude et de danger s'affirme. Dans l'immensité bleue et blanche, les Trinités apprennent rapidement à apprécier la proximité des centaines de tonnes de vivres et de matériel de l'Astrolabe ainsi que l'hélicoptère qui s'y trouve solidement arrimé. Leur zone de confort se restreint à chaque mille, alors même que leur horizon s'étend à perte de vue. Ils acquièrent de nouveaux réflexes, appris auprès des anciens des TAAF, mais conservent à l'esprit que quelques jours plus tôt, Garnier a certainement emprunté le même chemin.

L'Astrolabe

Le mercredi 21 mars, l'Astrolabe qui se fraie un chemin depuis plusieurs jours au cœur de la banquise dans un crissement ininterrompu arrive en vue de DDU, sur l'île des Pétrels. Accueilli par des nuées de manchots, le navire accoste sur un caillou perdu au milieu d'un chaos glacé. La poignée de containers rouges jetés sur la terre ferme  constitue un étrange défi à la raison : voici à quoi ressemble une des plus célèbres bases antarctiques. Près de 40 personnes ce jour, des missions d'observation géophysique et de la stratosphère, ballons-sondes, LIDAR, sismologie, et 5 000 m² de préfabriqués au bord du monde.

La base Dumont d'Urville, en Terre Adélie.

Le débarquement est joyeux, animé, intense, ballet d'anoraks, de containers et de chenillettes qui puent le mazout polaire et les Trinités découvrent un environnement étonnamment chaleureux et accueillant. Paul Tessier à la logistique, Pierre Coulaud à la chimie de l'atmosphère, David Lorenzi à la géophysique, Anne Jarmond au BioLab... Et la topographie apparemment décousue de la base, avec ses garages, laboratoires de glaciologie, de biologie marine et de géophysique, sa centrale électrique, son radier, ses magasins de vivres et, enfin, les zones de vie : le dortoir 42, le séjour, la salle vidéo, la bibliothèque, les cuisines...


Repos à DDU
http://terreadelie-antarctique.blogspot.fr/

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Les Trinités jouent le jeu et s'insèrent sans difficulté dans l'écosystème de DDU. Ils comprennent que la base est encore en terrain maîtrisé si on la compare aux bases intérieures comme Concordia, à 1100 km de là, ou Vostok. A cette époque de l'année, le dernier raid a déjà eu lieu, ce convoi de tracteurs et de containers qui s'aventure vers le pôle sud pour ravitailler Concordia, et l'arrivée de l'hiver austral ressemble à un inquiétant point de non retour.

Mais l'équipe est sur les traces de Garnier et le personnel de DDU confirme la très surprenante nouvelle de l'arrivée d'un navire une semaine plus tôt qui, en effet, a débarqué un homme. Au même moment, le 14, la radio placée sous le contrôle de l'armée française et de l'officier Calmin, recevait une communication inattendue d'un convoi prétendant arriver de la base Vostok à 1500 km de DDU. Le lendemain, un véhicule de modèle non répertorié arrivait sur DDU avec à son bord deux Russes et un Allemand au style militaire. Ils sont restés quelques heures au séjour pendant que l'homme identifié comme Garnier discutait avec Lorenzi, apparemment très intéressé par le trou dans la couche d'ozone. Le très sec Lorenzi confirme que Garnier se comportait de manière étrange posant des questions tour à tour très pointues et témoignant de son ignorance de certains fondamentaux scientifiques. Les quatre hommes sont repartis le lendemain en direction de Vostok, malgré les nombreux avertissements de l'équipe de DDU : les conditions météo sont sur le point de se dégrader et il est insensé de faire un tel trajet avec une simple chenillette. Tessier leur recommande d'attendre au moins le Twin Otter qui fait la rotation aérienne Zucchelli-Concordia-DDU, mais rien n'y fait.

Par ailleurs, des perturbations électro-magnétiques importantes ont été enregistrées par les labos de la base lors de la prise de contact avec les Russes et en croisant ces informations avec celles de l'officier radio, les Trinités parviennent à déterminer où se trouvait leur véhicule lorsqu'il a appelé DDU. Cette position, à l'écart de la piste habituelle du raid, est à environ une journée de route et à peine une heure d'hélicoptère. Parvenant à convaincre Lorenzi de solliciter l'Ecureuil de l'Astrolabe, l'équipe s'envole le 22 mars dans l'immensité glacée.

Vers les coordonnées du véhicule inconnu.

L'hélicoptère vole à basse altitude, en reconnaissance, et bientôt apparaît une forme minuscule. Le pilote se pose à bonne distance et l'équipe découvre un véhicule au style très différent des machines rustiques et grossières employées habituellement. Cette chenillette est un joyau technologique, dotée d'une interface de type aérospatial et d'un HUD aux fonctionnalités avancées. Elle n'a rien à faire ici, raison pour laquelle les Trinités savent qu'elles viennent de découvrir une preuve de la présence du Cercle de Vienne.

Mais ce qu'elles ne s'expliquent pas, c'est pourquoi ce véhicule est abandonné, portes ouvertes et que des traces de pas s'en éloignent, sillonnant entre des vêtements jetés au sol et durcis par le froid.


Le véhicule abandonné par le Cercle de Vienne à une journée de route de DDU.
Source - https://nenadgojkovic.artstation.com/





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